• Review 1 : Homo Vampiris

    Critique du roman Homo Vampiris (2014) de Fabien Clavel.

    Le premier livre dont je voudrais vous parler est un livre que j’ai lu cet automne : Homo Vampiris de Fabien Clavel. Il s’agit d’un thriller qui joue avec les genres : tantôt dystopie, tantôt fantastique, il nous entraîne dans un avenir sombre, peuplé de vampires. L’histoire est centrée autour d’un groupe de vampire, formant une organisation appelée Ancolie, de Nina, une jeune vampire un peu paumée et de Zéro, un vampire albinos atteint de troubles mentaux.

    Chacun poursuit un but différent : l’Ancolie joue un jeu dangereux avec des ennemis religieux, et c’est à celui qui exterminera l’autre en premier ; Nina cherche des réponses, cherche à comprendre qui elle est, ce qu’elle est ; Zéro, enfin, tente de retrouver ses « bébés », comme il les appelle. Et pourtant, leurs destins vont se croiser et s’entremêler, jusqu’à un final à la fois haut en couleur et amer, où toutes les questions trouveront une réponse.

    Le récit est construit sur l’alternance des points de vue : on suit divers personnages, dans leur présent mais aussi dans leur passé. Chaque chapitre est ainsi centré sur un personnage particulier, ce qui permet une vision plus globale de l’action et une meilleure compréhension du récit et des motivations des personnages. C’est une forme de récit que j’ai toujours apprécié, le fractionnement du récit en différent points de vue. Et c’est ici très bien réalisé, on ne se perd pas, en grande partie car les personnages ne se confondent pas mais également grâce aux titres des chapitres qui sont en réalité des indications de lieux et de temps. On peut ainsi faire des sauts dans le temps ou dans l’espace, les premiers étant bien plus intéressants que les seconds puisqu’ils permettent d’apporter des précisions sur le passé des vampires de l’Ancolie (les humains ne bénéficient pas de ce traitement de faveur).

    Pourtant, ce qui fait tout l’intérêt du récit, c’est la présence de « la voix ». On ne la remarque pas forcément tout de suite, ou du moins, on ne l’analyse pas comme une seconde voix. Elle agit presque comme un second narrateur, qui fait des commentaires sur l’action ou se permet de corriger le narrateur principal. Au début, elle se contente de jeter des commentaires assez courts, puis, petit à petit, ils deviennent plus construits et une personnalité à la fois sarcastique et fataliste semble se dégager, se séparer totalement du narrateur omniscient principal. Son identité n’est révélée qu’en toute fin de roman, trois chapitres avant la fin, et donne un tout autre sens à cette voix mystérieuse.

    Deux des choses qui m’ont le plus intéressée sont la réactualisation du mythe du vampire réalisé par Fabien Clavel et l’univers dans lequel il a placé l’action.

    Commençons par l’univers. Il s’agit ici d’un futur pas si lointain, à peu près à la moitié du XXIème siècle. Mais tout y est différent : la terre a été dévastée par les tremblements de terre, les catastrophes nucléaires, et des pluies acides tombent presque sans discontinuer sur les villes qui sont un mélange entre ruines et bâtiments ultra-modernes. Des couvre-feux ont été instaurés, on roule en voiture électrique mais même un haut fonctionnaire de l’ONU ne peut se payer un vol en avion, les voyages s’effectuent donc en train, voyages pouvant parfois durer plusieurs semaines. Le climat a changé. En plus des pluies acides on peut noter des ouragans et un fort réchauffement climatique. Un des personnages, Ashanti, le fameux haut fonctionnaire de l’ONU que je mentionnais plus haut, sert de porte-parole de la cause écologique, en quelque sorte. Ses théories, qui nous sont exposées à deux reprises, peuvent être perçue comme une critique de notre mode de vie et de notre société actuelle, même si sa rhétorique semble viser plus les gouvernements que les citoyens. Il m’est impossible de dire à quel point ce futur et ces discours reflètent la pensée ou les inquiétudes de l’auteur, mais cette vision presque post-apocalyptique fait bien plus peur que les vampires présentés dans ce roman.

    Le second point qui m’a séduite est la vision des vampires proposée ici par l’auteur. On apprend assez vite qu’ils se considèrent comme victimes d’une maladie du sang mais toute l’ampleur de cette théorie prenant son sens vers les trois-quarts du roman, je ne la développerai pas plus ici. En revanche, je peux dire que les vampires présents ici sont différent des vampires traditionnels. Déjà, ils sont bien plus anciens qu’on ne les représente habituellement. Le plus vieux dont nous avons connaissance a été ainsi transformé à l’époque celtique, le second au VIème siècle avant notre ère. Autant dire, avant même l’apparition du mot « vampire ». De plus, puisqu’il s’agit d’une maladie et non d’une malédiction, les armes religieuses n’ont aucune influence sur eux. Seul le bois leur est nuisible, car ils y sont allergiques, et certains vampires sont sensibles à la lumière du soleil, qui les affaiblit légèrement. Ils sont ainsi immortel mais pas invincibles. Un vampire peut tuer un autre vampire et, même s’ils ont de formidable capacités de régénération, s’ils perdent trop de sang ils ne survivent pas. De plus, comme nous l’apprend Ashanti (ou, plus exactement, comme il l’explique à Nina), le manque de sang les rend plus humains, les fait vieillir. Il n’est pas nécessaire à leur survie, comme on peut le voir dans la plupart des mythes, mais uniquement comme la source de leurs pouvoirs et la condition à leur longévité.

    Ces vampires sont également organisés dans un système hiérarchique assez simple. Il existe quatre classes : les Báthory, qui influence les esprit, sont la classe « noble » des vampire ; les Valaques forment la classe des combattants et peuvent influencer les corps (télékinésie, etc.) ; les Sang-Mêlés sont une catégorie fourre-tout pour ceux qui possèdent des pouvoirs ne répondant à aucune de ces catégories ; et enfin les Empousas sont considérés comme des parias par les Báthory car ils se nourrissent de sang d’animaux et non de sang humain (ce qui a pour conséquence de leur donner des pouvoirs un peu spéciaux, comme celui de se transformer en animal).

    Dans ce futur post-apocalyptique, les trois grandes religions monothéistes se sont réunies dans un but commun : l’éradication des vampires. Cette alliance possède son propre corps armé : la Brigade oïkouménique. D’après Nemrod, l’Empousa, si les religions détestent autant les vampires et cherchent à les éradiquer, c’est parce qu’ils représentent l’anti-religion. En effet, il présente la religion comme fondée sur deux principes fondamentaux : la peur de la mort et la répression de la sexualité. Hors, les vampires sont stériles et immortels. Ils n’ont de rapports sexuels que pour le plaisir et ne meurent plus, exposant ainsi la religion comme une « contrefaçon » (page 206). J’ai personnellement trouvé cette théorie très intéressante et très juste, dans l’hypothèse d’un monde peuplé par des vampires.

    L’écriture est d’ailleurs très crue et très sexuelle dans tout le roman. Outre les quelques scènes de sexe explicite (dont une lesbienne et un plan à trois, qui font gagner des points de représentation au roman en ce qui me concerne), le sexe de manière général est important. Dans la nature même des vampires, mais également dans leur façon de se nourrir, la consommation de sang étant étroitement liée au plaisir sexuel (raison pour laquelle les Empousas sont considérés comme des parias, leurs pratiques pouvant s’apparenter, dans ce sens, à de la zoophilie). Cette écriture crue l’est également dans sa description de la violence, des scènes de combats, de fusillade ou de mort. Le sang gicle, les boyaux tombent et le tout forme un ensemble à la fois repoussant et poétique.

     

    En conclusion, j’ai donc réellement apprécié ce livre, qui a réussi à me surprendre et à me happer dans son univers. Il m’a permis de découvrir Fabien Clavel, auteur français dont j’ignorai tout, et je me replongerai avec plaisir dans l’un de ses romans si l’occasion se présente.

     


     

    Fiche technique:

    TitreHomo Vampiris

    Auteur : Fabien Clavel

    Langue originale : Français 

    Date de publication : 2014

    Éditeur : Hélios


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